13 octobre 2016 : petit-déjeuner du Club de l’Audace avec le général d’armée aérienne (2s) Jean-Paul PALOMEROS

Présentation du général Jean-Paul PALOMEROS
S’il fallait présenter en quelques mots le général PALOMEROS, il faudrait dire simplement qu’il est un très grand chef militaire qui surprend par sa personnalité à la fois simple et humaine, sa grande capacité d’écoute et ses nombreuses visions d’avenir basées sur une incroyable capacité de travail.
Il démontre à chaque instant son attachement aux valeurs de la France et est d’une fidélité indéfectible en amitié.

En 1993, la France était engagée sur une opération appelée CRECERELLE volet français de l’opération DENY FLIGHT qui comme son nom l’indique avait pour objectif d’interdire les survols de la Bosnie par les belligérants. Son engagement et sa disponibilité forçaient déjà le respect du général américain alors qu’il était LCL mais avait déjà 20 ans d’armée et avait fait ses preuves en tant que pilote de chasse (son rêve d’enfant) puis comme commandant de la 30ème escadre de chasse sur la base de Reims. Son aisance avec les alliés venait aussi de son passage à l’école de guerre anglaise à Bracknell où son travail fut couronné par la remise d’un prix d’excellence.

A cette époque ses idées prennent déjà forme et de grandes innovations qu’il mettra en œuvre plus tard au profit de l’armée de l’air s’esquissent.
Successivement affecté à l’état-major naissant de la défense aérienne et des opérations aériennes puis à l’EMAA, il poursuit sa maturation avant de commander la base aérienne de Cazaux où ses capacités de grand chef et de gestionnaire avisé s’illustrent notamment dans la création d’un escadron de formation de pilotes de chasse singapouriens, une innovation pour l’époque (nous sommes en 1998) !

Puis ce sont des années d’état-major au cours desquelles on peut faire état de sa progression fulgurante (de 2001 à 2009 il accrochera successivement cinq étoiles à ses épaules), entièrement tournées vers la préparation de l’avenir où se côtoient de nombreuses idées de réorganisation, le bureau plans de l’armée de l’air, le collège des officiers de cohérence opérationnelle de l’état-major des armées, les plans de l’état-major des armées (la division PPE pas un nom de code), le poste de numéro 2 de l’armée de l’air (major général) puis enfin, chef d’état-major de l’armée de l’air jusqu’en 2012.Prenant conseils et avis auprès de ses proches et de ses amis, il a su faire preuve d’une écoute attentive, et en grand chef, il a pris les décisions qui s’imposaient.

Ce que le général PALOMEROS a apporté à tous ces postes qui pourtant diffèrent de nature, c’est une vision d’avenir sur l’évolution des organisations, sur les besoins en équipements, sur les nouvelles missions à réaliser ; ce sont des réformes nécessaires mais qui ont imposé des choix souvent douloureux, c’est encore et toujours le travail, la concentration et la conviction qui en font un interlocuteur particulièrement écouté par les plus hautes autorités de l’Etat. C’est toujours le souci de l’humain.

Une carrière magnifique mais faite d’exigences et de sacrifices et qui aurait pu justifier qu’elle se conclue en 2012 par un repos, bien mérité, après avoir posé les bases de l’armée de l’air formidable que nous connaissons aujourd’hui, engagée sur tous les théâtres avec le succès que l’on sait. Ce ne fut pas le cas, et de repos il n’y en eu pas, car l’engagement maintes fois démontré aux cotés des alliés lui conférait une légitimité forte pour se présenter au poste de SACTI deuxième poste de commandant de l’OTAN à Norfolk aux USA. Il fut nommé le 28 septembre 2012 à ce poste prestigieux mais exigeant où il passa trois années à bâtir la transformation de l’OTAN travaillant sans relâche à sa rénovation (créé en 1949 après 70 années de service une transformation s’imposait), à son acceptation dans un monde fondamentalement différent de celui de sa création, voyageant jusqu’à l’épuisement pour mieux faire connaitre cette organisation porteuse de paix, convaincre qu’elle devait jouer un rôle fondamental dans un contexte nouveau.

Aujourd’hui revenu en Europe, après avoir transformé l’OTAN, il s’est transformé en devenant jeune créateur d’entreprise. Il a accepté de nous parler d’un sujet sur lequel il a, sans aucun doute, longuement réfléchi, à savoir quelle défense européenne à l’heure du Brexit, et comment concilier cette évolution avec l’OTAN.

Synthèse de l’intervention du général PALOMEROS sur le thème « Les perspectives d’une défense européenne à l’éclairage du Brexit, quelle articulation avec l’OTAN ? »
Parler de défense européenne et approfondir l’Europe de la défense : deux enjeux majeurs. Pour le général Jean-Paul PALOMEROS, cette question d’une défense européenne s’est imposée alors qu’il était en poste à Norfolk pour l’OTAN. Concept malmené, schématisé voire oublié, la défense européenne nécessite de repartir sur de nouvelles bases. Face à des risques de sécurité toujours plus forts, des évolutions majeures sont nécessaires, et le Brexit pourrait bien être une opportunité pour repartir sur des bases saines.

Il ne s’agit pas de revenir sur les fondations de l’Europe mises en avant en d’autres temps par Robert SCHUMAN ou Jean MONNET en particulier la Communauté Européenne de défense (CED), mais de s’en inspirer. Cette histoire de la défense de l’Europe met en avant une volonté de création d’un futur porteur de valeurs communes soutenues par trois piliers : économie, politique et défense. Cette architecture a été encouragée par les Américains, via l’Alliance Atlantique, et ces derniers continuent à soutenir l‘existence d’une Europe de défense forte à même d’assumer sa part de responsabilité dans un environnement sécuritaire instable. Cependant, à l’heure où la solidarité européenne est mise à mal, la création d’une défense Européenne exige plus que jamais une refondation cohérente de l’Europe au plan politique , économique, et sécuritaire.

Dans les faits, au fil du temps, l’Europe de la défense s’est bâtie à petits pas, à tâtons, mais sans véritable définition d’une ambition commune et sans modèle de référence. L’évocation d’une possible évolution du concept de « souveraineté des Etats » fait hésiter les partisans du changement et l’idée d’une direction européenne de la défense a bien du mal à faire son chemin. Le Brexit fournit une occasion unique pour relancer l’Europe de la défense, d’une part parce que les Britanniques se sont toujours opposés à une quelconque tentative d’intégration et d’autre part parce que le départ de la Grande Bretagne de l’Union crée un vide en terme de capacités militaires, le Royaume Uni étant depuis longtemps le pays européen qui consacre le plus de ressources financières à la défense.

Ce tournant dans l’histoire de l’UE peut favoriser l’émergence d’une défense Européenne, du moins pour les pays qui le veulent et qui veulent s’en donner les moyens. Il faut pour cela se poser les bonnes questions, que voulons nous faire ensemble ? quel avenir, quel destin commun ? sommes-nous prêts à faire converger nos intérêts pour mieux défendre les valeurs démocratiques qui sous-tendent l’idée européenne et en contrepoint, que pèseraient séparément les pays qui forment aujourd’hui l’UE dans un monde globalisé, face aux grandes puissances de ce 21ème siècle, mais aussi face aux menaces qui d’ores et déjà se sont manifestées sur le continent européen, comme c’est le cas du terrorisme. Oui, il existe un moment européen et nous y sommes, puisse l’esprit de conquête et d’espoir qui inspira les pères fondateurs de l’Europe guider les décideurs d’aujourd’hui dans cette nécessaire refondation européenne bâtie sur trois piliers indissociables : politique, économie et défense.

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Plaidoyer pour une Europe de la défense, article paru dans le Journal Spécial des Sociétés n°88 : téléchargez l’article