26 janvier 2016 : petit-déjeuner du Club de l’Audace avec Jean-Paul BETBEZE, Economiste, professeur d’université, Président du Cercle des Epargnants

Dans le cadre du Club de l’Audace, Jean-Paul BETBEZE est intervenu pour débattre sur la thématique de la mondialisation à travers une présentation de son ouvrage intitulé La guerre des mondialisations.

1 – Etats-Unis d’abord. On ne peut parler de mondialisation sans parler des Etats-Unis, ce leader économique toujours à l’avant-garde technologique. Après avoir traversée une crise de grande envergure, dont l’impact s’est répercuté partout, mêmes les politiques monétaire et budgétaire classiques de cet Etat – le premier du monde pourtant, ne pouvaient faire repartir l’économie. Il fallait « innover » : c’est le quantitative easing, l’achat de bons du trésor par la banque centrale elle-même.
Ainsi, après une période de récession, les Etats-Unis et plusieurs pays industrialisés connaissent un second souffle, qui escorte la révolution de la communication. Au fond, toute la politique monétaire est faite pour permettre de « déglutir » ce changement.

2 – Révolution ensuite. On communique plus vite et de manière plus efficace. Les murs tombent, les ponts se construisent plus vite, de nouveaux intermédiaires se multiplient mais d’autres meurent – car trop lents ou trop compliqués. De plus en plus, la i-conomie voit le jour. Il s’agit d’un modèle économique où « start-up » et « geeks » sont les nouveaux facteurs de succès. Ce modèle ne connaît pas de milieu. Les entreprises qui y opèrent sont confrontées à deux scénarios possibles : la réussite et le succès – immense, ou l’oubli et la perte – totale. Le succès de quelques « start-ups », nous l’avons vécu à travers l’exemple de « l’uber économie ». Ce sont des chauffeurs qui maîtrisent la géolocalisation et qui peuvent dire « je sais qui vous êtes et vous savez qui je suis ». On nous offre ainsi une alternative plus efficace et moins coûteuse grâce au traitement de l’information – et sympa. L’exemple d’UBER n’est pas seul à avoir révolutionné le monde du WEB. D’autres sites tels que « AirBnb » avec son principe de sous location de courte durée entre particulier ou encore « Blablacar » avec son covoiturage entre particuliers, sont des exemples de cette e-mutation. Cette économie basée sur le partage et l’innovation constitue un nouveau volet de la mondialisation des pays industrialisés.
Nous vivons une situation où nous suivons ce qu’on perd et où nous ignorons ou ne savons pas bien mesurer ce qu’on peut gagner. Il y a perte de la croissance « ancienne », plus de nouvelles exigences techniques pour travailler dans ce nouveau monde, ce qui fait que les gens y lâchent prise.

3 – Les deux mondes. La société mondiale est partagée entre le monde des « industrialisés » et celui des « émergents ». Ces derniers ont l’ambition d’aller à l’essentiel, en sautant les étapes de leurs prédécesseurs. Autrement dit, ils passent directement à ce que permet la nouvelle économie.
Pas de surprise donc si nous assistons à une différenciation des mondes, où les nouvelles technologies creusent les écarts de croissance. « On voit d’abord ce que l’on détruit et après ce que l’on va créer ». Ces écarts sont flagrants entre la Chine et les États-Unis, l’un est leader des pays émergents et l’autre des pays émergés. La Chine entend devenir le modèle économique des émergents. Dès lors nous assistons et assisterons à une différenciation entre références chinoises et américaines. Ceci peut d’ores et déjà se voir avec diverses formes de conflits concurrentiels et économiques entre ces deux monstres.

4 – La zone euro. Elle doit se préparer à ces tensions mondiales, plus le Brexit et le Grexit – qui n’auront pas lieu mais qui « pèsent » sur elle. L’Euro reste en fait la seule monnaie autonome des émergés par rapport au dollar : le yen, la livre y sont alignés. En cas de crise majeure, l’Europe perdrait sa devise. Il faut donc renforcer la zone européenne et la crédibilité de l’euro.
5 – France. La France est dans une situation unique, complexe, stratégique – à expliquer et valoriser. Elle dispose par exemple d’une grande force maritime dont elle n’est pas consciente. Elle se doit d’être une puissance commerciale, et se trouve en réalité en déficit extérieur et budgétaire. Ces déficits ne pourront être résolus que par une croissance plus forte. Pour se faire, il faudra une demande interne évoluant moins vite pour satisfaire la demande extérieure. Or c’est l’inverse qui se passe. Malgré une situation difficile, la France par sa diversité, son industrie ainsi que son histoire est en position de remédier à son déficit pour sortir de la crise. Elle dispose des ingrédients nécessaires pour relier pays industrialisés et pays émergents – mais l’ignore.

Dans ce monde qui change, les pays sont à la poursuite de leurs destinées, chacun cherche sa voie. Celle de la France est d’être intermondialiste, de constituer un pont entre émergés et émergents.

A propos de Jean-paul BETBEZE

Jean-Paul BETBEZE est économiste. Il est Président de BETBEZE Conseil, du Cercle des Epargnants et du comité scientifique de la Fondation Robert Schuman.
Il est également Economic Advisor de Deloitte et membre du bureau du Conseil National de l’Information statistique.
Professeur émérite à l’Université 2 Paris Panthéon-Assas, il a été chef économiste du Crédit Lyonnais puis du Crédit Agricole et membre du Conseil d’Analyse Economique auprès du Premier ministre.
En savoir plus sur Jean-Paul BETBEZE : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Paul_Betbeze