2 juin 2022 : petit déjeuner avec Régis LE SOMMIER, Grand reporter pour le Figaro Magazine

Le 2 juin 2022, Régis Le Sommier, Grand Reporter de guerre, écrivain et ancien Directeur adjoint de Paris Match, était l’invité du Club de l’Audace. « Ukraine, comment s’y retrouver quand l’émotion et l’indignation dominent l’analyse ? » : tel est le thème que le journaliste abordait au cours de son intervention face aux différents membres et invités du Club de l’Audace.
Alors que tous les regards sont tournés vers la guerre en Ukraine, depuis l’invasion du pays par la Russie le 24 février dernier, cette rencontre a permis à Régis Le Sommier d’évoquer le traitement médiatique des conflits armés dans la presse écrite et audiovisuelle. L’analyse qu’il en fait s’appuie notamment sur ce qu’il appelle « la vérité du terrain », trop souvent noyée par le flot d’informations massives diffusées par les médias.
C’est en partageant son expérience, images et vidéos à l’appui, en Syrie, en Irak et en Afghanistan que le journaliste natif du Var propose d’éclairer l’assemblée sur la nature et les conditions d’exercice de son métier atypique.

Journaliste depuis 1996, après avoir obtenu son Master en étude de la communication et des médias à l’Institut des Sciences Politiques de Lyon, Régis Le Sommier constate les évolutions qui caractérisent le monde du journalisme au XXIe siècle : nouveaux médias, ère du numérique et sa culture de l’instantané, nouvelles attentes d’une audience plus exigeante, accaparement de l’information par les réseaux sociaux, fakes news. Face à cela, le reporter considère que la visibilité du conflit entre l’Ukraine et la Russie est difficile à cerner à travers les médias. « Le brouillard de la guerre » exprime-t-il pour l’évoquer. Une expression qui caractérise parfaitement le flou que des sources médiatiques contradictoires entretiennent autour des événements qu’elles traitent. Pour lui, il n’existe pas de meilleure source d’information que le terrain. Voir et vivre les événements pour proposer un discours ancré sur la réalité des faits, et non pas sur leur interprétation médiatique : voilà l’enjeu auquel Régis Le Sommier se confronte malgré les dangers encourus.
En effet, le métier de reporter de guerre est caractérisé par la recherche d’adrénaline et la proximité permanente avec le danger, au plus proche de la vérité. Entre 2006 et 2012, Régis Le Sommier séjourne en Irak, en Afghanistan puis au Mali, aux côtés des forces armées américaines et françaises ; entre 2014 et 2018, il réalise plusieurs reportages en Syrie puis en Irak, notamment pendant le long siège de Mossoul (octobre 2016 – juillet 2017). En 2019, c’est en Libye qu’il se rend, puis dans le désert du Sahel en 2020 et 2021. Plus récemment, au milieu de l’année 2021, il se rend à Kaboul, capitale afghane alors plongée dans l’inquiétude face à la progression des talibans, groupe armé islamique, qui ambitionnent de reprendre le contrôle de la ville et du pays au gouvernement afghan ; les forces armées américaines n’ont alors pas encore quitté le territoire lorsque Régis Le Sommier y séjourne. Mais alors, comment aller au contact, sur le terrain, en zone de guerre, tout en se protégeant ? « Nous, les reporters, on a un stylo et un appareil photo, on n’a pas d’armes » nous relate l’ancien directeur adjoint de Paris Match. Mais le stylo et l’appareil photo ne seraient-ils pas les meilleures armes possibles dans la perspective du journaliste ? Des armes d’attaque, probablement pas. Mais des armes de défense et de protection de la vérité, très probablement. Régis Le Sommier ou le photographe la réalité : lorsque ses yeux ne sont pas fixés dans l’objectif de son appareil, ils sont rivés sur les pages blanches qu’il noircit pour retranscrire son vécu en tant que grand reporter de guerre. En effet, il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages depuis 2003, son dernier ouvrage en date étant La vérité du terrain, parue le 7 avril dernier.

Être grand reporter de guerre implique donc de se confronter à des risques encourus quotidiennement par les soldats de l’armée et oblige également à vivre comme eux ; Régis Le Sommier mentionne notamment la capacité d’adaptation à un environnement hostile qui se révèle indispensable. Se pose alors la question de la véritable motivation du reporter de guerre : pour quelle(s) raison(s) est-il prêt à s’exposer autant aux risques de son métier ? L’invité du Club de l’Audace en cette matinée du 2 juin vous répond que tout ce qui l’importe est « d’accompagner l’histoire les pieds dans la boue ». Le journaliste de terrain ne se contente pas de raconter l’histoire, mais il cherche à la vivre ; il en est l’acteur tout autant que l’auteur.
Le danger n’est alors plus un frein pour le reporter de guerre. La notion même de risque se voit changée dans son esprit ; Régis Le Sommier affirme qu’il n’est pas plus dangereux ou risqué de se rapprocher du front que de rester à l’arrière, car « dans un pays en guerre, on peut être surpris par des coups de feu qui arrivent soudainement, même loin du front ». Ainsi, se permet-il de préciser, les zones et les situations les plus calmes en apparence obligent à faire preuve d’une vigilance tout aussi accrue : « Dans le désert, vous avez l’impression qu’il n’y a personne, mais en réalité il y a des yeux qui vous regardent de partout » dit-il lorsqu’il fait référence à son séjour passé dans le désert du Sahel en 2020 et 2021.

Au cours de son témoignage captivant, le reporter français revient également sur l’évolution du photojournalisme : avant son âge d’or pendant la guerre du Vietnam à la fin des années 1960, ses débuts en pleine guerre civile espagnole dans les années 1930. Il y a moins d’un siècle, le photojournalisme apparaissait alors comme un nouveau moyen de communiquer et transmettre l’information : plus direct, plus brusque, plus franc en somme. Aujourd’hui, il fait partie intégrante du métier de reporter de guerre : lorsque le soldat combat par la force, le journaliste de terrain combat par l’image.
De nombreuses questions sont posées par l’assemblée.
En combattant par l’image, quel rôle le reporter joue-t-il pour faire basculer l’histoire ? La question se situe au cœur des enjeux qui encadrent la couverture médiatique du conflit en Ukraine. Selon Régis Le Sommier, « en Ukraine, la narration est plus importante que l’analyse » : plus que d’une affirmation, il s’agit d’un constat du journaliste. A vouloir jouer avec l’histoire, le reporter ne doit pas tomber dans le piège du militantisme, il s’agit de montrer, de témoigner, et non de revendiquer. « Être journaliste, c’est savoir dire du mal de personnes pour lesquelles nous éprouvons de la sympathie », dit-il en exprimant son scepticisme vis-à-vis du concept de journalisme militant.

A propos de Régis LE SOMMIER :

Régis Le Sommier est un grand Reporter e guerre : « Tout ce qui m’importait, c’était d’accompagner l’histoire les pieds dans la boue » : tels sont ses mots traduisant son amour du terrain et la soif de vérité qui en découle et qui caractérise le métier de reporter.

Il débute sa carrière de journaliste après avoir obtenu un Master en étude de la communication et des médias à l’Institut des Sciences Politiques de Lyon, en 1995.
En 1996, Régis Le Sommier commence à travailler pour la rédaction de Paris Match, dont il deviendra Directeur adjoint.
En 2003, il devient Chef du bureau de Paris Match aux États-Unis, et y restera jusqu’en 2009. Il travaille alors à New York et se spécialise dans les questions militaires, nous laissant soupçonner une influence paternelle : son père ayant dirigé l’Ecole des Applications Militaires de l’Energie Atomique pendant son adolescence passée à Cherbourg.

Sa carrière est marquée par ses déplacements en tant que Reporter de Guerre : d’abord en Irak, en Afghanistan puis au Mali entre 2006 et 2012, aux côtés des forces armées américaines et françaises. Il retourne au Moyen-Orient entre 2014 et 2018 pour y réaliser plusieurs reportages, en Syrie puis en Irak dans la ville de Mossoul notamment.
Régis Le Sommier aime voir les choses de ses propres yeux, mais il aime aussi les retranscrire : lorsqu’il n’est pas Reporter, il est en effet Ecrivain. Depuis 2003 et la rédaction de l’œuvre qu’il intitule Les damnés du prestige, il a été l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, pour arriver à l’écriture de La vérité du terrain, paru le 7 avril dernier.

Depuis 2014, il enseigne à la prestigieuse école des Hautes Etudes en Sciences de l’Information et de la Communication, le CELSA. En 2017, lui est décerné, par l’Association de la presse étrangère en France, le Prix de la Presse internationale, pour sa couverture du Moyen-Orient ; un an plus tard, il est à nouveau récompensé, cette fois-ci par le Prix de la meilleure enquête journalistique que lui attribue le jury des Magazines de l’année sous l’égide du Syndicat des éditeurs de la presse magazine et de Relay.

En 2021, il commence à travailler pour la chaîne RT France, branche francophone de la chaîne internationale russe d’information en continu – RT, qui a vu sa diffusion interdite en Union Européenne le 27 février 2022.

A noter, les nombreuses interviews qu’il a pu réaliser, le menant à la Maison Blanche face à George Bush, au Pentagone face à Barack Obama ou encore face au président syrien Bachar-el-Assad, pour ne citer qu’eux.