26 juin 2012 : petit-déjeuner du Club de l’Audace avec Philippe DOUSTE-BLAZY, Secrétaire général adjoint de l’ONU et président d’UNITAID

Philippe Douste-Blazy, Secrétaire général adjoint de l’ONU, chargé des sources novatrices de financement du développement, et président d’UNITAID, nous a fait l’honneur d’intervenir lors du petit déjeuner du Club de l’Audace sur le thème : « Les financements innovants pour lutter contre la pauvreté dans le monde. »

Intervention de Philippe DOUSTE-BLAZY
« Je n’ai jamais fait autant de politique de ma vie. » Pour introduire son intervention, Philippe Douste-Blazy a souhaité rappeler que ses engagements internationaux, auprès de l’Organisation des Nations Unies notamment, constituent une autre dimension de sa vie politique.
« Le sujet numéro 1 de la politique étrangère, c’est l’accès à l’eau potable, à la nourriture et à l’éducation », explique-t-il. La grande pauvreté et le manque de développement conduisent à des situations où les populations, soumises à des tensions extrêmes, sont réceptives à des mouvements politiques ou religieux qui prônent la violence. Aujourd’hui, les crises économique, financière et sociale rendent les Etats moins attentifs à ces problématiques. Comme le rappelle Philippe Douste-Blazy en citant le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, « La plus grande bombe à retardement dans le monde, c’est la misère. »

Cette grande pauvreté, essentiellement présente en Afrique sub-sahélienne et en Asie du sud-est, peut être considérée dans le cadre de la mondialisation. Non pas en tant que conséquence directe de la globalisation des échanges, mais en tant que problème auquel la mondialisation n’a pas apporté de solution. L’ouverture des économies n’a pas bénéficié à toutes les régions du monde : certains sont sortis en grands gagnants, tandis que d’autres sont retournés « 50 ans en arrière. » Comment le champ politique appréhende-t-il la mondialisation ? Le temps de la politique est différent de celui de l’économie : « Les hommes d’affaires sont globaux, pas les hommes politiques », qui doivent rester près de leur électorat pour être réélus et qui ne peuvent pas s’engager à long terme contre des défis mondiaux, tels que la faim dans le monde.

Le manque d’engagement international en faveur de la lutte contre la pauvreté génère une situation paradoxale : le monde se développe, et malgré cela la mortalité infantile augmente en Afrique. Ce phénomène, qui peut être considéré comme un échec international, n’a malheureusement pas été évoqué dans la campagne présidentielle française en 2012.
Pourtant, des solutions simples à mettre en place existent. Philippe Douste-Blazy a créé l’UNITAID, structure para-onusienne de lutte contre le SIDA, le paludisme et la tuberculose, avec des solutions innovantes qui permettent de limiter les contraintes et d’augmenter la flexibilité des sources de financement. Parmi 100 idées de financements innovants présentées dans le rapport Landau « Les nouvelles contributions internationales », commandé par le président de la République Jacques Chirac, Philippe Douste-Blazy en a retenu une : la taxation des billets d’avion. Obtenue par le biais des taxes d’aéroport, elle permet de consacrer un euro par billet d’avion au programme de l’UNITAID.

Grâce à cette taxe « indolore » à laquelle les usagers ne prêtent pas attention, l’UNITAID a récolté 2,5 milliards d’euros en 5 ans. Avec seulement 1 euro, 3 enfants peuvent être sauvés du paludisme : les fonds dont bénéficie l’UNITAID ont donc permis de sauver des centaines de milliers de vie. Cette initiative française, unique en son genre puisqu’elle permet à l’Agence française de développement de gérer un impôt sans même obtenir l’avis du ministère des finances, a été suivie par 15 pays.

Le bilan de l’UNITAID est positif : 8 enfants sur 10 traités contre le SIDA le sont par l’organisation. Sa gouvernance est unique en son genre : elle regroupe l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les pays fondateurs, un représentant de l’Union africaine, un représentant des pays asiatiques, le secteur privé (avec la fondation Bill and Melinda Gates), la société civile (ONG) et des représentants des populations malades. L’UNITAID peut ainsi se prévaloir d’être une organisation.

Philippe Douste-Blazy souhaite désormais élargir les financements de l’UNITAID, notamment en obtenant qu’un nouvel impôt innovant soit affecté aux projets de développement. La France a adopté en mars 2012 une taxe de 0,01% sur les transactions financières qu’elle n’a pas encore appliquée. La finance et l’Internet sont les deux secteurs qui ont le plus bénéficié de la mondialisation, d’autant qu’ils ne sont pas taxés. La « taxe Tobin » française permettrait de reverser une partie des revenus de la finance vers des projets de solidarité, dont ceux de l’UNITAID, sans impacter l’économie ni les consommateurs. Mais cette idée se heurte aux égoïsmes nationaux, exacerbés par les crises de 2008 à aujourd’hui. La France doit se démarquer face au manque de volonté générale : « Etre aujourd’hui les défenseurs des Droits de l’Homme, c’est participer au développement » des pays où sévit la grande pauvreté. Il appartiendra à François Hollande et au gouvernement de Jean-Marc Ayrault de s’engager, ou non, dans cette voie.

Quelques interventions marquantes des invités :

  • Quels partenariats l’UNITAID entretient-elle avec le secteur privé ?

Réponse de Philippe Douste-Blazy – Au-delà de la fondation Bill and Melinda Gates, qui finance généreusement l’UNITAID, nous disposons de plusieurs partenariats avec des acteurs parfois inattendus. Par exemple avec des commerçants de proximité dans les régions où nous intervenons, pour distribuer localement les médicaments que nous fournissons. Nous devons développer nos relations avec les financeurs privés, notamment en France et en Europe.

  • La taxe maritime, un temps évoquée, pourrait-elle être un nouveau financement innovant pour l’UNITAID ? L’aide publique au développement vient surtout des pays de l’OCDE.
  • . Qu’en est-il des pays en voie de développement ?

Réponse de Philippe Douste-Blazy – Christine Lagarde, directrice générale du Fonds Monétaire International (FMI) soutient le projet d’une taxe maritime qui n’impacterait ni le secteur des transports ni les consommateurs. Les pays en voie de développement doivent participer à l’effort mondial. Il nous faut les convaincre, non pas en s’opposant mais en proposant, de s’associer aux projets de développement.

  • L’éducation manque cruellement dans certaines régions, et favorise la pauvreté.

Réponse de Philippe Douste-Blazy – L’éducation est en effet un sujet majeur. « Les premiers bénéficiaires de l’ignorance sont les dictateurs ». Elle concerne l’apprentissage de l’hygiène, les techniques agricoles, et bien d’autres domaines qui vont au-delà de la définition que nous entendons. L’éducation des filles, en particulier, est essentielle.

  • La crise affecte la France, la solidarité est difficile à appliquer dans ces conditions. Or la lutte contre la pauvreté et le sous-développement participe à stabiliser des pays et à limiter les impacts négatifs sur les pays riches.

Réponse de Philippe Douste-Blazy – Cet axe permettrait en effet de concilier les intérêts économiques des Français et les impératifs de développement des pays pauvres.

A propos de Philippe DOUSTE-BLAZY :

Philippe Douste-Blazy est né à Lourdes en 1953.
Il suit des études de médecine à Toulouse où il effectue son internat en 1978 et soutient sa thèse en 1982 pour laquelle il reçoit un prix l’année suivante.
Il exerce alors comme cardiologue dans sa ville natale ainsi qu’à Toulouse, où, en 1988, il devient professeur en épidémiologie, économie de la santé et prévention à la faculté des sciences. Parallèlement il rejoint la Société Française de Cardiologie.

L’année 1989 est une année importante pour lui car elle marque le début de sa carrière politique.
En effet en mars, il est élu maire de la ville de Lourdes. En Juin, il est élu député européen sur la liste « Le Centre pour l’Europe » et siège alors au Parti Populaire Européen.
Cette même année, il est aussi élu directeur national de l’Association de recherche contre les élévations du cholestérol (ARCOL).
Dès lors, il gravit rapidement les échelons de la politique : en mars 1993, il est élu député et entame un mandat dans la deuxième circonscription des Hautes-Pyrénées, mandat qu’il abandonnera en mai lorsqu’il sera nommé ministre délégué à la Santé.

En mars 1994, il est élu au conseil général des Hautes-Pyrénées. En décembre, il devient secrétaire général du CDS.
Porte-parole du gouvernement dès Janvier 1995, il est nommé ministre de la Culture après la présidentielle. Toujours en 1995, il est maire de Lourdes dès le 1er tour et devient secrétaire général de Force Démocrate, puis membre du bureau politique de l’UDF avant d’en être le vice-président.

En 1997, il retrouve votre siège de député des Hautes-Pyrénées, et préside le groupe UDF-Alliance à l’Assemblée nationale.
En mars 2001, il est alors élu dans la première circonscription de la Haute-Garonne en même temps qu’il est élu maire de Toulouse et président de la communauté d’agglomération du Grand Toulouse de 2001 à 2008.

Il soutient de nouveau Jacques Chirac pendant la campagne présidentielle de 2002, et devient secrétaire général du nouveau parti de droite tout juste créé, l’UMP. Réélu en Haute-Garonne, il refuse d’abord un poste de ministre afin de rester maire de Toulouse, poste duquel il démissionnera néanmoins en 2004 lorsqu’il acceptera sa nomination en tant que ministre de la Santé et de la Protection sociale, titre rapidement rebaptisé en ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille.

A ce poste, il s’attaque au sujet crucial et délicat qu’est la réforme de l’assurance maladie. Son plan vise plus de 10 milliards d’euros d’économie et 5 milliards de recettes supplémentaires en 3 ans, grâce entre autre à une franchise de 1 euro par acte médical, la hausse du forfait hospitalier et un élargissement de l’assiette de la CSG 7.
En 2005, il est nommé ministre des Affaires Étrangères par Dominique de Villepin, fonction qu’il occupera jusqu’à la victoire de Nicolas Sarkozy en mai 2007. Il est défenseur d’une diplomatie humanitaire, en impulsant le développement du fond UNITAID par exemple, duquel il sera président du Conseil d’administration en mars 2007.
En Juin 2007, il est nommé conseiller, chargé de mission auprès du président de la République.

En février 2008, il devient conseiller spécial chargé des sources novatrices de financement du développement auprès du Secrétaire général des Nations Unies. Dans ce cadre, il lance MassiveGood, un programme humanitaire par lequel les voyageurs peuvent faire de micro-contributions à UNITAID lors d’une réservation d’un billet d’avion ou d’autres moyens de transports sur Internet.