9 novembre 2006 : petit-déjeuner du Club de l’Audace avec Jean-François BERNARDIN, Président de l’ACFCI

« Monsieur Bernardin, si vous étiez Président de la République, quelles mesures prendriez-vous pour stimuler la création d’entreprises ? »
Selon l’intéressé, tout le monde connaît par cœur les mesures à prendre. La vraie question est de savoir pourquoi personne ne les prend …
En réalité, c’est parce que les élus ne cherchent pas à aller dans un autre sens que celui qui leur permettra d’être élu à nouveau. C’est aussi simple que cela !

« Mais pourquoi est-ce comme ça en France et pas ailleurs ? »
Selon Jean-François Bernardin, cela relève d’un problème culturel. Il y a en France une culture qui n’est pas favorable à l’entreprise et qui fait qu’on ne la comprend pas.
Trois raisons peuvent être avancées pour tenter de comprendre ce blocage culturel :

1- La France est un des derniers pays marxistes du monde
Le marxisme c’est « à chacun selon ses besoins ». Or si on lit les programmes politiques, de gauche comme de droite, ils sont tous centrés sur cette idée : tout le monde a le droit à la même chose (en terme de logement, de santé, d’éducation, …), quelle que soit sa position dans la société.
Ce n’est pas sans conséquences dans la mesure où en France, le discours dominant dans l’ensemble de la société est celui de la lutte des classes. Dans tous les autres pays, il y a un large consensus pour considérer que ce qui profite à l’entreprise profite au pays.

2- Les politiques pensent savoir comment fonctionne l’économie mais ne connaissent pas l’entreprise…
Pour Jean-François Bernardin, l’économique n’est pas la finalité d’un pays. Il doit être considéré comme une condition nécessaire mais non suffisante. En effet, aucun gouvernement ne peut gérer une société dans laquelle il n’y a pas de croissance (au minimum 2% de croissance annuelle). Si l’économie s’immobilise, le pays ne peut être qu’en grande difficulté.
Ce ne devrait pas être au politique de dicter une voie économique pour le pays. Même si les politiques pensent qu’ils savent mieux que les chefs d’entreprises comment l’économie fonctionne…

En réalité, nous n’avons pas fait la révolution française, nous avons transféré l’auréole du pouvoir du roi sur les élus : « Le politique sait ! ». Il est par exemple impossible de contester un maire en public car le maire est l’agent du roi.
La difficulté vient du fait que les politiques ayant tous été fabriqués dans le même moule (au niveau des études supérieures puis de leur cursus professionnel), ils ne peuvent pas prétendre connaître correctement l’entreprise… Pour eux, l’économie est la science économique, la macroéconomie, ce qui est totalement inexacte. En effet, il n’y a pas de science économique mais une histoire économique.

Il est également intéressant de constater que les politiques ne comprennent pas non plus le mode de fixation des prix. Ils sont persuadés qu’ils peuvent contrôler sur quel acteur pèsent les taxes. Or ce n’est pas parce qu’ils veulent que ce soit l’entreprise qui paie que c’est elle qui va payer au final. Si les concurrents des entreprises françaises n’ont pas les mêmes taxes à payer, alors pour rester compétitives, les entreprises vont les faire supporter par les consommateurs finaux en augmentant les prix. Tout le monde sait comment ça se passe. Donc même si officiellement c’est l’entreprise qui paie tel ou tel impôt, si l’on regarde la réalité en face, c’est bien souvent le consommateur qui le supporte au final.

3- Notre société refuse collectivement le risque
La société actuelle cherche à tord à nous prémunir à tout prix contre le risque. Or entreprendre c’est innover. Innover, c’est faire quelque chose qui n’existe pas. Entreprendre est donc toujours prendre un risque. Alors, comment faire pour entreprendre dans une société qui refuse collectivement le risque ?
Il est certain qu’il est opportun d’aider et de sécuriser les créateurs d’entreprises. Mais expliquer à ceux qui pourraient se lancer dans la création d’entreprises que l’on peut viser le risque zéro est une aberration qui peut se révéler préjudiciable car elle est trompeuse.
Les entrepreneurs doivent accepter de prendre des risques, la contrepartie étant une contrepartie financière en cas de succès.
Jean-François Bernardin n’est pas pour que l’on socialise le risque, ni les profits. S’il est certain qu’il faut aider les créateurs, il faut avant tout les aider à appréhender, à évaluer et à gérer les risques qu’ils prennent en passant à l’acte.

On finit par nous dire : « vivez sans bouger et vous vivrez longtemps ». Mais à quoi cela sert-il de vivre sans bouger ? La vie c’est le mouvement. Nous avons besoin de redynamiser la société.
Quand on consulte les classements des pays, la France recule dans tous les indices depuis 30 ans …
Le nombre croissant de Rmistes s’explique aussi par la paupérisation de la classe moyenne et de certaines personnes installées, qui travaillent, mais qui malgré tout ne peuvent subvenir à leurs besoins. Comment en est-on arrivé là ?
La réponse est assez évidente : nous ne travaillons pas assez et surtout nous travaillons moins que les autres pays.

Les politiques appréhendent assez correctement les problèmes des grands groupes et des petits épiciers, mais ne comprennent pas bien la spécificité des entreprises françaises à fort potentiel de croissance.

On pourrait comparer les entreprises à des moutons. Il faut qu’elles prospèrent et qu’on les tonde de temps en temps. Mais le problème en France, c’est qu’on les tond trop souvent. Finalement la question à se poser ne serait-elle pas : « Pourquoi avons-nous autant de mauvais bergers en France ? ».