Noël, le jour de l’an, des temps pour dessiner un autrement

Bernard DEVERTLe parfait achèvement est rarement au rendez-vous du temps, mais, suprême élégance, dans ses derniers jours, ce moment séquentiel nommé l’année, offre un souffle qui n’attise pas les souvenirs amers, mais éclaire l’avenir avec Noël et le Nouvel An.
Noël.
L’Enfant Dieu pour les Chrétiens, ne serait-il pas pour tous, le réveil de l’éternel enfant qui sommeille en chacun.
Il n’y eut pas de place pour cet enfant ; l’observation garde une singulière et dramatique actualité, tant il est difficile d’accueillir la part manquante à toute humanité. Comment s’en étonner, le divin – ou le plus humain – toujours, se présente sous les traits de l’inattendu et de la discrétion. L’essentiel bien souvent nous échappe sans pour autant, fort heureusement, s’évanouir.
Le Petit Prince nous rappelle les conditions pour voir.
Claudel, ce puissant intellectuel, est désarmé en ce Noël 1886. L’ennui et les rêves d’un pouvoir qui l’habitent, s’écroulent en cette nuit traversée par une fulgurante lumière. Caché derrière un pilier de Notre-Dame de Paris, il est venu en esthète écouter les vêpres. Soudain, découvrant la place de Dieu, il saisit la sienne ; tout un déplacement s’opère : un temps nouveau qui porte la trace de l’éternel.
Le Nouvel An,
Des paroles d’espoir s’échangent au risque parfois d’être sans lendemain, mais elles peuvent aussi nous creuser jusqu’à nous faire découvrir cet inachevé en nous-mêmes, telle la 8ème symphonie de Schubert, dont l’harmonie nous transporte et nous porte pour quitter cet entre-soi qui, rejetant les liens, obscurcit la lumière.
Si la fin d’année est un cadeau, elle est aussi une terrible épreuve pour ceux qui, confrontés au malheur, ne peuvent entendre, ni exprimer ce joyeux Noël, tant est grande leur souffrance.
Ces déserts, le Petit Prince ne nous permettrait-il pas de les aborder avec humanité et tendresse.
Plus isolé qu’un naufragé sur un radeau au milieu de l’océan, Saint Exupéry nous partage la petite voix surprenante qu’il a entendue alors qu’il courait un grand risque pour être en panne et sans soutien.
Cependant, à cause ou malgré cette perdition, le Petit Prince lui demande de lui dessiner un mouton.
La demande l’agace tant elle lui apparaît saugrenue, absurde. Quand le mystère est trop impressionnant on n’ose pas désobéir, dit-il. Perdu, en danger, il accepte de dessiner ce mouton.
Dans les moments difficiles, qui n’espère pas secrètement un signe, fut-il surprenant. Il est de ces dessins qui ouvrent un horizon se révélant fermé. Seuls les enfants savent les offrir.
Dessine-moi un mouton
La vie de ces bergers est celle des grands espaces pour suivre ou précéder leurs moutons qui constamment les mettent en mouvement. Hommes libres, aucunement préoccupés de tenir les premières places, ne nous étonnons pas que via l’étoile, lumière de leur cœur, ils se soient rendus auprès de l’Enfant, berger d’humanité.
L’Enfant ne demande rien, même pas une place, espérant la trouver dans le cœur de l’homme, les bergers la lui offrent. Que d’apprivoisements.
Qu’est-ce que cela veut dire apprivoiser ? demande le Petit Prince et le renard de répondre : c’est créer des liens et en être à tout jamais responsable.
Qu’espérer en ce Noël et que se souhaiter pour ce Nouvel An : un dessin qui n’ait pas d’autre dessein qu’une responsabilité partagée. « Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé ».
Tu es responsable, répéta le Petit Prince, comme pour mieux s’en rappeler.
Nous essaierons, j’essaierai, d’habiter cette responsabilité s’agissant de bâtir des liens pour faire taire l’indifférence qui leur est si destructrice.
Finalement, l’attente réciproque ne serait-elle pas que nous échangions des dessins qui redessinent l’avenir pour en souligner l’espérance ; les déserts alors s’estomperont.

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