La philanthropie, clé d’une Société humanisée

Bernard DEVERTLa philanthropie que les Grecs définissaient comme l’amour de l’autre, l’amour de la société, loin d’être une idée dépassée, connaît un regain d’intérêt sans doute en raison d’un certain effacement de l’Etat providence ; elle rejoint même l’entreprise, via le mécénat financier ou de compétence.
L’idée parfois reçue est que la philanthropie est l’affaire seulement des riches ; il est vrai que de grands noms s’y rattachent comme Rockefeller, Warren Buffet ou Bill Gates. Or, elle concerne chacun pour être l’expression d’une entraide, d’une solidarité et même d’une fraternité à l’égard de l’autre que la vie ou le malheur innocent blesse.
Dépassée cette triste formule : ce n’est pas mon problème, traduction d’une cynique indifférence mettant à mal la cohésion sociale. Quand les difficultés de l’autre nous deviennent étrangères, alors la Société souffre. Ce qui est fermé, fermente.
La philanthropie est cette attention vigilante à l’éloignement des situations de précarité, mais aussi une veille active pour refuser que la misère s’installe.
Ces jours-ci à Vannes, dans le Morbihan, je participais à la pose symbolique de première pierre d’une maison intergénérationnelle de 17 logements au cœur de la ville. J’observais la joie de ses concepteurs et celle de ceux qui se sont mobilisés pour que ce programme sorte de terre : des philanthropes, bénévoles, salariés, investisseurs de la finance solidaire suscitant une économie de bienveillance.
Je fus accueilli sur le chantier par une personne encore jeune, éprouvée moralement et physiquement, son handicap l’obligeant à se mouvoir dans un fauteuil, d’où la nécessité de disposer d’un logement prenant en compte son invalidité et la modicité de ses ressources.
Un sourire éclairait son visage. Un propriétaire solidaire, me dit-elle, comprenant mes difficultés, vient de m’offrir un logement adapté ; ma vie en est transformée.
N’est-ce pas cela l’attention au prochain, se faire proche pour que l’humanité ne se dise pas seulement avec des mots, mais se traduise en actes.
C’est un autre propriétaire solidaire, juge de profession. Appelé à connaître un contentieux pour des impayés de loyers, il relève que les incidents de règlements ne sauraient être imputés à la mauvaise foi mais à l’impossibilité pour ce locataire défaillant de supporter un tel loyer et charges au regard de son reste à vivre.
Comprenant, alors il entreprend. Un appartement familial se libère ; il le propose, moyennant un loyer permettant à ce foyer monoparental de ne pas sombrer une nouvelle fois. La fraternité toujours élève et relève.
Dans les deux cas, les bailleurs opèrent un déplacement. A la loi aveugle du marché, ils substituent la philanthropie.
Ces deux histoires sont trop belles pour être vraies, peut-être direz-vous, et pourtant elles sont authentiques ; elles portent la trace de la philanthropie, transformatrice des relations.
Ces deux philanthropes ne doivent sans doute pas être étrangers à cette belle expression de Jean-Claude Guillebaud : « l’espérance fait naître deux beaux enfants, la colère contre les injustices et le courage de s’y attaquer ».
Devenir philanthrope, c’est offrir à la Société une fraîcheur qui singulièrement lui manque.
Oui, tous, devenons des acteurs de la philanthropie, elle est une des clés de cet autrement que chacun confusément recherche.

Soyez audacieux, exprimez votre point de vue !

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *