Ces ruptures, des murs à abattre pour faire Société

Bernard DEVERTLa Société souffre de profondes ruptures, autant de fossés nous éloignant de la fraternité, l’un des socles de la République et du fondement de notre civilisation avec l’indépassable et éternelle interrogation du Livre de l’Humanité : « Qu’as-tu fait de ton frère « ?
– rupture au regard des revenus.
Ne nous arrêtons pas sur ces rémunérations si exorbitantes que souvent, ni les actionnaires, ni les salariés n’en comprennent la justification. Comment expliquer que le cumul des salaires de toute une vie de travail se révèle parfois inférieur à ce qu’un dirigeant reçoit en un seul mois.
Que signifie ce désir de posséder de telles rétributions, si ce n’est de voir reconnaître sa puissance en la protégeant par une masse d’argent augmentée d’un parachute doré, une manne sans objet, les bénéficiaires ne risquant pas de connaître le désert !
Comment est-ce possible que les responsabilités ne s’accompagnent pas de la recherche d’une juste mesure, ne serait-ce que par respect de ceux dont le « reste à vivre » s’apparente à une survie. Il est des couvertures qui portent ce nom bien nommé mais, force est de constater qu’elles sont retirées à ceux qui n’ont rien ou si peu.
Soyons justes, quelques grands dirigeants refusent ces facilités pour concevoir leur engagement comme un service impliquant par là-même une part de gratuité.
– Rupture entre le coût du logement et les ressources.
Le logement, fut-il social, se révèle difficilement accessible pour les plus vulnérables. Le vocabulaire ne trompe pas : ruptures entre logement, hébergement et abri que certains n’ont même pas pour connaître la rue, un mépris du pauvre dramatiquement banalisé.
Jacques Friggit, du Commissariat général à l’environnement et au développement durable, souligne que le loyer moyen a doublé par rapport aux revenus, d’où une paupérisation des ménages accédant au logement, via la location.
Certes, les logements ont gagné en qualité, mais pour les locataires fragilisés socialement, cette observation est sans pertinence pour devoir supporter de lourdes charges en raison d’un bâti qui, ancien et vétuste, n’autorise pas la maîtrise des dépenses énergétiques.
Cette diminution des charges aurait pourtant immédiatement un impact sur le « reste à vivre », ô combien nécessaire, quand on sait qu’il est parfois inférieur à 60 € mensuels.
– Rupture quant à l’accès à l’emploi, à l’Université et aux Grandes Ecoles.
Les plus vulnérables, notamment les jeunes des quartiers sensibles, touchés par un chômage massif, voient leur exclusion aggravée. Autres graves ruptures : l’insuffisance de la lutte contre les « économies souterraines », l’absence de valorisation des métiers manuels et de l’apprentissage, voie royale à bien des emplois de qualité.
Les portes de l’enseignement supérieur sont franchies par les enfants des milieux privilégiés. 8 sur 10 des élèves en classes prépa et dans les grandes écoles d’ingénieurs sont des enfants de cadres.
Que de ruptures se présentent comme des murs qu’il nous faut apprendre à détruire pour ouvrir des passages. Tisser et bâtir des liens se révèlent une urgence pour éviter ces blessures ouvertes qui avec le temps s’infectent, laissant au mieux des cicatrices si profondes que le corps social perd de sa vitalité.
Que de fois entendons-nous : notre monde marche sur la tête ! Il a perdu le sens, finalement l’équilibre, né de ces ruptures qui y contribuent largement.
L’heure est de trouver des ressources qui ne sont pas seulement financières pour relever d’une exigence éthique, visant la recherche d’ajustements pour une Société plus équitable, ce qui ne veut pas dire uniformisée.
Agir pour lézarder ces murs nécessite un formidable chantier pour un monde nouveau. Les chercheurs d’espoir ne trouvent pas leur place. N’entrent que ceux habités par l’espérance, qui ne l’est vraiment que si elle anticipe, ‘ici et maintenant,’ ce qui est attendu. Tout le reste est vain, sauf à se payer de mots qui ne transforment rien.
Faire Société, c’est susciter un « faire ensemble » pour mieux « vivre ensemble ». Ne désertons pas ce chantier. Il est grand ouvert à tous. Inutile de s’y rendre avec un casque, la seule protection est de consentir à ne point attendre d’approbation, laissant au temps le soin d’éclairer la pertinence des transformations qui s’imposent.

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