En terminer avec des mots qui desservent les plus fragiles

Bernard DEVERTDepuis des années, nous récusons l’expression dommageable de ‘niche fiscale’. Les gouvernements successifs n’ont pas saisi – mais sans doute ne sommes-nous pas parvenus à nous faire entendre – que ce qu’ils appellent ‘niche’ est souvent un espace précieux de générosité pour lutter contre les situations de misère et de pauvreté.
Cette expression fait naître en moi une colère – j’espère qu’elle est juste – Que trouve-t-on dans ces niches ? Non des chiens qui aboient, mais des personnes aux abois qui ne disent rien, brisées par la grande précarité, jusqu’à connaître la honte d’être pauvres.
Un comble, les oubliés de la Société se terrent jusqu’à ne point solliciter les aides auxquelles ils ont droit. Le non recours aux prestations qui leur sont ouvertes représente plus de 10 milliards d’euros. Ce constat, mis en exergue par ATD Quart-Monde, doit mettre un terme immédiat aux clichés mensongers présentant les pauvres comme des profiteurs.
Assez de ces vilénies colportées qui tentent d’enlever à ceux qui n’ont rien leur dernière richesse : l’estime de soi. Que leur reste-t-il alors ? Ne nous étonnons pas de ces suicides physiques ou psychologiques, ou encore de ces foyers détruits, non seulement pour des raisons de ressources, mais de par ces jugements qui disqualifient, armant les regards qui assassinent considération et respect.
Agir pour refuser l’inacceptable n’est pas une option, mais une obligation. La finance solidaire en offre la possibilité pour être le carburant d’une économie attentive aux situations de fragilité. Les règlementations qui s’annoncent risquent de le tarir pour privilégier d’autres ressources concourant à la financiarisation d’une économie asséchant le réel au profit du virtuel.
Les parlementaires sont alertés, mais, au nom des équilibres budgétaires, que d’inerties laissent nos concitoyens en situation de déséquilibre, d’où des ruptures qui coûtent cher à la Société. L’heure est enfin de comprendre l’urgence de prévenir, plutôt que d’attendre l’irréparable outrage pour intervenir.
Cette épargne solidaire, même si elle a considérablement progressé en quelques années, demeure très ténue en comparaison de la masse monétaire pléthorique privilégiant des intérêts négatifs aux investissements solidaires qui pourtant garantissent le capital en créant ces biens primaires qui manquent cruellement, l’emploi et le logement.
Terrible cette addiction à la course folle de la puissance qui a pour conséquences la globalisation des marchés et la création de méga entreprises qui ne sont pas sans susciter des déséquilibres entre les multinationales et les Etats.
Les quatre premières capitalisations de Wall Street représentent plus de 2680 Mds$, soit plus de 40% du PIB de la France.
Face à tous les Goliath qui surplombent de leur superbe, le Livre de l’humanité rappelle qu’il y a des David qui ne comptent apparemment pour rien, jugés trop faibles, trop vulnérables. Seulement, leur intelligence inventive confère à la fragilité une vision qui n’est pas sans donner sens à la vie pour comprendre que, seul, l’amour protège et construit.
N’abandonnez pas votre engagement pour une nouvelle économie dont l’objectif est d’inverser les valeurs : une préférence à l’homme, à tous les hommes plutôt que de servir les puissances idolâtres aveuglées par ce qu’elles ont et veulent avoir encore.
Certes nous sommes des nains par la taille, mais la finalité qui nous porte est si grande et si créatrice d’espérance que nous ne saurions sombrer dans un pessimisme délétère. Ensemble, demeurons les pionniers de cette économie solidaire ; elle concourt au refus de la misère, témoignant d’un combat contre l’indifférence à l’aujourd’hui de ces femmes, hommes et enfants perdus, sans avenir.
Laissez-moi vous partager cette belle expression de l’économiste Jean Boissonnat : « à force d’imaginer le bien, on finit par y contribuer ».

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