Pour exister, les liens relèvent d’une éthique de la responsabilité

Bernard DEVERTLors de mes vœux, j’ai fait référence au livre du Petit Prince, mettant en exergue l’apprivoisement que Saint-Exupéry définit comme une invitation à créer des liens. Apprivoiser, c’est rechercher une attitude juste, s’exprimant souvent dans une vérité poétique où l’essentiel se dit sans se perdre dans des mots inutiles.
L’indifférence sombre là où le lien se construit. L’autre, toujours un peu étrange, fait peur, d’où ce nécessaire apprivoisement pour parvenir à des échanges qui nous construisent en humanité.
Le lien ne s’inscrit pas forcément dans la durée, mais dans l’intensité de la relation, par exemple entre les soignants et leurs patients. Un oncologue s’entendait dire : votre profession doit être terrible. Il répondit : elle est difficile mais tellement riche d’humanité.
Permettez-moi d’aborder la journée du 30 janvier qui se prépare comme une protestation des salariés des maisons médicalisées, hébergeant des personnes au soir de leur vie.
Seulement, cette journée ne vise pas à défendre les intérêts catégoriels, mais ceux des résidents, sans forces, sans voix. Les soignants considèrent – non sans pertinence – que leur mission ne consiste pas seulement à effectuer des actes mais à les accompagner d’un prendre-soin. Ici, commence une attention au rythme de la personne, souvent blessée par l’angoisse, la finitude et l’isolement.
Comme gestionnaire d’établissements médicalisés, nous plaçons cette requête comme une alerte auprès de l’Etat et des Collectivités Locales afin que nos aînés dépendants, physiquement ou psychiquement soient davantage reconnus.
Quand les personnes sont si fragilisées que leur ressenti est celui d’un abandon, n’est-il pas juste de relayer leurs voix par ceux-là mêmes qui leur prêtent très souvent l’oreille de leur cœur.
Nombre des maisons de retraite sont désormais des espaces de soins. Que de malentendus à l’égard de ceux qui dans une absolue discrétion concourent à ce que la dureté de la fin de vie soit atténuée par la tendresse.
Que de fois, lors d’un décès, nous avons vu des larmes sur le visage d’un aide-soignant, d’une auxiliaire de vie ou d’un agent de service. Dans ces pleurs, se mêle le regret amer- si ce n’est la colère – de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour accompagner celui, celle qui lui a partagé sa confiance, son histoire.
Le lien désarme, fragilise mais quelle humanité possible sans cette fragilisation appelant un supplément de vigilance.
Qui ne comprend pas la disponibilité que ce soignant aurait aimé avoir pour que ce prendre-soin ne soit pas contrarié par la ‘dictature’ de l’heure.
Les situations de fragilité doivent faire l’objet d’une meilleure prise en compte par la Nation pour que nos aînés ne disent plus qu’ils sont une charge, que leur vie n’est rien avec le sentiment, pour les plus vulnérables, d’être inutiles.
Chères auditrices, chers auditeurs, vous avez des parents dans ces maisons. N’hésitez pas à nous soumettre des propositions pour que dans le cadre des budgets alloués, des améliorations soient apportées.
Défenseurs du prendre-soin, cette journée n’exprimera pas seulement un mécontentement mais une exigence de qualité de vie pour ceux qui, en raison de l’âge, de la maladie, vivent en retrait.
L’omerta doit s’effacer.

Soyez audacieux, exprimez votre point de vue !

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